Cette visite ne nous a pas laissées indemnes ! Tout d’abord, nous avons eu la chance de pouvoir rentrer dans le Matrimandir et de vivre 15 minutes de méditation dans ce lieu incroyable, assises en face du Cristal, cette sphère de 70 cm de diamètre traversée par un flux de soleil tellement concentré qu’il semble jaillir du cosmos, comme dans les films de SF… Ensuite, la découverte du « lieu » (en fait une kyrielle de lieux dispersés dans la forêt, parfois reliés par de simples pistes en terre) à bord d’une petite moto, nous a ravies.

Alors il y a tout le mythe sur Auroville. Sri Aurobindo, le nationaliste indien devenu Deveta avec The Mother, l’utopie qui prend naissance en 1972 avec l’agenda de la Mère après qu’elle ait eu plusieurs attaques cérébrales à 80 ans… Sur ce plateau désertique de terre rouge qui s’étend sur 10 km2 jusqu’à la mer, il y a eu 30 ans de défrichage, le reboisement avec un énorme travail hydraulique et des millions d’arbres plantés, l’excavation à la main avec des centaines de travailleurs indiens et de bénévoles venus du monde entier, l’érection des 4 piliers qui se termine le jour où la mère quitte son corps… puis toute la construction en dur (plateaux, rampes, 1400 disques d’or, miroirs réflecteurs, le Cristal), sans oublier les jardins extérieurs avec les 12 pétales, le tout suivant la forme d’une spirale enroulée… bref c’est dingue ce qui a été fait à partir de la vision de la Mère (et indirectement d’Aurobindo), avec essentiellement la ferveur des bénévoles et de tous ces soixante-huitards qui croyaient à la possibilité de faire advenir l’utopie. L’utopie d’un lieu où règnent l’harmonie, l’engagement au service du bien collectif, l’éducation, la beauté, l’écologie… bref toutes ces choses dont on rêve aujourd’hui. Un très chouette documentaire produit par Auroville montre tout cela.

Alors après, tout n’est pas rose. Si au départ il y avait 124 nationalités présentes, la reconnaissance du lieu par l’État indien comme projet non religieux, et qu’autour de ce centre l’activité a « ruisselé » alentour (pour reprendre la théorie économique), aujourd’hui il y aurait 2 500 habitants permanents dont 180 jeunes de moins de 18 ans, et du travail pour 6 000 indiens des villages voisins. Mais le site visait 50 000 résidents, et la gouvernance n’est pas limpide, loin s’en faut. On ne sait pas comment tout cela a été financé, et quand on se balade dans les parages, pas mal de pavillons semblent en déshérence (un petit arrière-goût de Jurassic Park, car avec la mousson et l’humidité, la nature a vite fait de reprendre ses droits sur des bâtiments trop vite défraichis). Nous n’avons pas vu une foule d’activités, à part le business avec les touristes (il y a pléthore de Guest House, comme si les habitants en tiraient leur principale source de revenus, plein de cafés, restau de plein air). Plus intéressant, il y a plusieurs endroits qui semblent proposer des stages et des formations (massage, yoga, méditation, etc). Et il y a les activités autour du centre d’accueil.

En discutant avec plusieurs personnes qui connaissent Auroville et y sont allés dans les débuts, au début des années 2000, il semblerait qu’aujourd’hui les critiques principales concerneraient l’aspect « entre-soi » et international du lieu. En clair, les Indiens trouveraient que le lieu est trop hors sol, conçu par et pour des étrangers un peu bab…

En tous cas, cette visite nous a ravies. L’histoire de vie d’Aurobindo et de la mère est fascinante (l’exposition qui explique tout cela au pavillon indien vaut le détour). Et c’est quand même bon de se dire qu’une telle utopie a pu sortir de terre !